Homélie de Stanislas Lalanne pour le jour de Pâques Dimanche 12 avril 2020
Il n’y a plus rien à faire. Jésus est mort. Marie-Madeleine l’a suivi dans son procès, sa passion, elle l’a vu agoniser sur une croix, elle l’a enseveli dans le tombeau.
Mais, nous le savons par expérience personnelle, le plus difficile à vivre, c’est le lendemain,
• lorsque la blessure de la séparation reste béante,
• lorsque le poids de l’absence se fait si lourd.
Il n’y a plus rien à faire… si ce n’est peut-être aller une dernière fois encore se recueillir devant la tombe pour se replonger dans la nostalgie des souvenirs.
Marie-Madeleine se met donc en route au petit matin, alors que « c’était encore les ténèbres ».
Il n’y a plus rien à faire… Combien de fois ai-je entendu cette parole devant des situations dramatiques, des échecs, des douleurs, des souffrances, des blessures impossibles à cicatriser.
Combien de fois ai-je entendu cette parole de la part de jeunes dont l’avenir leur semblait une impasse, ne trouvant pas de travail ou pris dans l’engrenage inexorable de l’alcool ou de la drogue. Combien de fois ai-je entendu cette parole de la bouche même de parents…
Combien de fois ai-je entendu cette parole, depuis le début de cette pandémie, devant tant d’épreuves douloureuses, de souffrances, d’immenses incertitudes par rapport à l’avenir, de situations personnelles, familiales, professionnelles et sociales dramatiques…
Il n’y a plus rien à faire. Des milliers d’innocents meurent dans des guerres, des tragédies, des tremblements de terre…
Il n’y a plus rien à faire, disons-nous, chaque fois que nous nous sentons pris dans l’engrenage des démissions et du laisser-aller, de l’injustice et de l’argent, des habitudes et des slogans faciles…
Il nous arrive si facilement de baisser les bras, tant il paraît surhumain de briser ces engrenages, pour faire reculer les limites du possible.
Mais voici que ce matin, la pierre a été ôtée du tombeau, voici que ce matin une brèche s’est ouverte. Désormais, rien ne sera plus comme avant.
Marie-Madeleine court au tombeau, et le trouve vide. Seulement des bandelettes et un linge qui disent : le corps était là. Il n’y est plus ! Seuls repères d’une présence passée.
Marie-Madeleine est face au vide. Pour elle, c’est d’abord la « panique à bord ». Jésus était mort, mais n’était-ce pas rassurant quelque part de savoir où reposait son corps ?
Voici qu’il n’y a même plus de lieu pour se recueillir. « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Il n’y a plus qu’un grand vide…
Pierre et Jean veulent en avoir le cœur net. Ils mettent alors l’énergie du désespoir dans une course éperdue vers le tombeau. Ils entrent, ils virent et ils crurent. Que virent-ils ? Rien, un grand vide… Pâques commence devant le tombeau vide…
Impossible de croire au Vivant (avec un grand « V »), sans devoir s’arrêter là, sans cette rupture, sans ce dépouillement extrême, sans cette distance abyssale d’avec les choses de ce monde. La mort.
Il faut traverser ce vide vertigineux, éprouver la soif d’une Présence absolue pour se dire à soi-même d’abord, puis aux autres : Jésus, le Crucifié, est vivant !
Quelle étrange merveille, réservée à l’homme que de voir poindre l’aurore de la vie nouvelle en passant par ce vide. Quelle étrange merveille que de traverser l’abîme noir pour se trouver dans l’éblouissement de la vie ressuscitée.
Le tombeau vide, c’est de nouveau Jésus possible. Son absence devient le signe même de sa présence. Et voici alors que, dans le joyeux matin de Pâques, la nouvelle est bientôt sur toutes les lèvres.
Celui que l’on croyait mort est vivant. Il est ressuscité, il nous précède sur les routes du monde. Il nous appelle sans cesse au-delà de nos peurs. C’est lui qui nous pousse
• à nous mettre debout, au lieu de ramper,
• à nous rencontrer au lieu de nous murer dans nos solitudes,
• à nous mettre en marche au lieu de renoncer.
C’est lui qui habite l’espérance et qui habite l’amour, qui habite tout ce qui dépasse l’homme et l’invite, comme le dit saint Paul, à « tendre vers les réalités d’en haut ».
Christ est ressuscité. Nous ne disons pas qu’il a été ressuscité, un peu comme nous disons qu’il a été enseveli.
La résurrection ne peut se parler qu’au présent. Proclamer « Christ est ressuscité », ce n’est pas faire un constat sur le passé, c’est recevoir un don inouï et prendre un engagement dans le présent.
Là est le formidable tournant de notre histoire !
Croire en la Résurrection, c’est accepter de toujours recommencer, et de façon toujours nouvelle, sans céder à la tentation du découragement.
C’est croire que l’avenir est ouvert.
C’est refuser, surtout lorsque les temps sont si difficiles, éprouvants et anxiogènes comme aujourd’hui, que les vents violents semblent contraires et souffler en tempête, de devenir nostalgiques du passé.
C’est s’engager sur des chemins nouveaux, en devenant créateurs de relations nouvelles. Je suis certain que nous en serons tous capables dès que le confinement prendra fin…
Il ne s’agit pas de disserter sur la Résurrection, mais d’en vivre. Car elle n’est pas le fruit d’une démonstration. On ne prouve pas la Résurrection, on ne peut qu’en témoigner.
Oui, aujourd’hui, Christ ressuscité
• a besoin de vos lèvres pour continuer à proclamer sa Bonne Nouvelle.
• Il a besoin de vos yeux, pour poser son regard d’amour sur ses frères.
• Il a besoin de vos oreilles, pour entendre la clameur des petits et des pauvres.
• Il a besoin de vos mains pour construire un monde de justice et de paix.
• Il a besoin de votre cœur, pour réchauffer le monde.
A portée de téléphone, de mail, de sms, il y a un geste à poser que nul ne fera à votre place ! Il y a une parole à dire que personne ne prononcera à votre place !
Les apôtres ont vu le tombeau vide, ils ont mangé et bu avec Jésus et sont alors devenus les témoins de la résurrection.
A chacun de nous de devenir ses témoins dans notre vie quotidienne.
Oui, « Christ est ressuscité ! » « L’amour a vaincu la mort ! » Proclamez-le autour de vous. Amen.
12 avril 2020
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